Biographie

Natacha Lesueur (1971, Cannes)

Plasticienne et photographe française, Natacha Lesueur a étudié à la Villa Arson à Nice. Elle vit et travaille aujourd’hui entre Paris et Nice. Après une première exposition personnelle en 1996, l’artiste est lauréate de la Fondation Pernod Ricard en 2000, puis résidente à la villa Médicis à Rome entre 2002 et 2003. Ses œuvres, surtout photographiques depuis 1993, sont construites comme des tableaux et font la part belle à la mise en scène, rappelant en particulier l’œuvre de la photographe américaine Cindy Sherman, qui a fréquemment recours au maquillage, à des perruques et des postiches. Chez Natacha Lesueur, le corps humain est omniprésent, à la fois comme surface d’inscriptions ou comme support de symboles et d’ornements. L’artiste utilise notamment des aliments pour habiller et maquiller les corps qu’elle photographie, créant ainsi des trompe-l’œil et générant une vision paradoxale, entre répulsion et séduction.

Sans titre

• Natacha Lesueur
Sans titre
• 2000
• Ilfochrome, acrylique et PVC
• 102,8 x 128,5 cm
• Collection FRAC Poitou-Charentes

L’œuvre Sans titre de Natacha Lesueur représente un corps recroquevillé, vu de dos sur un canapé de couleur noire. Seule la carnation claire de la peau et les cheveux rouges et courts du modèle se démarquent et apportent des touches de couleurs. Le haut de son corps est dévêtu et le bas habillé d’un épais vêtement et de collants en résille noirs. Sur son dos apparaît un tatouage, obtenu par un cataplasme à base de moutarde irritant la peau et laissant des marques. Ce tatouage éphémère peut s’apparenter à un test optique, qui transforme ce corps en objet servant à « tester » la vue du spectateur. On peut en effet y lire différentes lettres inscrites en rouge sur sa peau, à la manière des tableaux de lettres que l’on retrouve chez l’ophtalmologiste.

Une dé-personnification du modèle

L’œuvre Sans titre de Natacha Lesueur crée le mystère et interroge le spectateur qui ne dispose d’aucun élément pour identifier le modèle. Comme dans de nombreuses œuvres de l’artiste, un corps est représenté mais le visage est quant à lui absent, ce qui ôte toute identité sexuelle ou de genre au modèle. Sa position allongée peut rappeler d’une certaine façon la représentation classique d’Anthinéa de Giuseppe Gambogi, étendue sur sa méridienne. Cependant, sur la photographie de Natacha Lesueur, le corps est vu de dos et recroquevillé sur un canapé en cuir noir, contrairement à la position sensuelle d’Anthinéa. Cette dernière serait une reine de l’Atlantide, inspirée par le personnage du roman éponyme de Pierre Benoît (1919), qui telle une sirène attire les hommes dans sa cité perdue d’Hoggar afin de collectionner leurs dépouilles. Le sculpteur la représente allongée, alanguie sur une peau de lionne attendant patiemment sa prochaine proie. Regardant au loin, son visage repose sur le dos de ses mains. Cette attitude calme et séductrice est en réalité trompeuse car son but est de charmer les hommes afin de les piéger.
Dans la photographie de Natacha Lesueur au contraire, le personnage est recroquevillé, se cachant et se protégeant du regard des autres comme s’il cherchait à se prémunir contre toute forme de violence (physique, psychologique, sexuelle). Si un doute subsiste au sujet de l’identité du modèle, plusieurs détails renvoient à la féminité (les collants résille, la morphologie du corps).
Ainsi Natacha Lesueur remet en question la représentation du corps féminin et dénonce sa chosification, procédant à une dé-personnification de son modèle. L’artiste représente un corps non sexualisé dont le genre n’est pas clairement identifiable, presque vulnérable, à l’inverse de l’image tentatrice d’Anthinéa.

Roxane Benigni et Hannah Meriau, étudiantes en Histoire de l’art – Université de Poitiers