Biographie

Claire Denis Aumaître Haquet (Neuilly-sur-Seine, 1959 – )

Claire Aumaître est une artiste peintre française qui exerce à Versailles et à Broglie (Eure, Normandie). Son intérêt pour la littérature philosophique, historique et psychanalytique alimente son inspiration. Au cours de sa formation artistique (Écoles des Beaux-Arts de Paris et des Arts Décoratifs de Strasbourg, Universités de Picardie et Panthéon-Sorbonne à Paris), Claire Aumaître apprend principalement à travailler la peinture et le dessin ; ce n’est qu’après qu’elle se lance dans des expériences artistiques à partir de différents matériaux et techniques. Elle en vient à considérer que le support de la toile et la peinture ne lui permettent pas d’accéder à la légèreté qu’elle recherche, et qu’elle finit par trouver dans l’usage du tissu et des supports textiles, quelques années après la création d’une de ses œuvres les plus importantes : Égine.

Égine

• Claire Aumaître
Égine
• 1986
• Peinture à la cire sur papier Kraft
• 133,5 x 103 cm
• Acquis par le FRAC Poitou-Charentes en 1987 à l’artiste elle-même

 

Cette peinture, réalisée à la cire sur du papier Kraft, permet d’offrir un rendu des couleurs particulier sur un fond neutre et jauni. On y voit, Zeus sous la forme d’un aigle peint dans des tons froids, avec au centre le corps d’Égine peint dans des tons chauds. L’artiste a représenté le rapt d’Égine, passage tiré de la mythologie grecque. La compréhension des formes ne se fait qu’après un temps d’observation prolongé. L’aspect presque abstrait laisse au spectateur la possibilité d’y entrevoir différentes silhouettes.

Dévoilées

Égine est une nymphe née du dieu fleuve Asopos dont Zeus tombe amoureux. Pour être à ses côtés, ce dernier décide de se transformer en aigle et de l’enlever afin de la transporter jusque dans une île qui porte aujourd’hui le nom de la nymphe. Sur la toile d’Aumaître, c’est ce passage qui est illustré : on y voit un aigle majestueux, aux ailes déployées, qui attrape dans ses serres la belle et jeune Égine dont le corps se plie, se tord, comme si elle n’était plus maîtresse d’elle-même. Les couleurs choisies par l’artiste s’opposent sur un fond jaune pâle, le bleu et le mauve de Zeus transformé, contre le rouge orangé et le rose du corps inerte de la nymphe.

Pour plusieurs raisons les deux œuvres Anthinéa et Égine sont semblables par rapport au sujet dont elles traitent : dans les deux cas il s’agit de représenter un personnage féminin de la mythologie. Cependant, la façon dont est représenté le corps féminin diverge : Anthinéa est un idéal de beauté et d’élégance, mais cet idéal l’est d’un point de vue masculin, elle est donc représentée comme objet de désir. Alors qu’elle est allongée, dénudée, qu’elle pose et se laisse voir, Égine est représentée pendant son enlèvement. Pour Claire Aumaître, il s’agit là d’appuyer sur la nature violente et non consentie de l’enlèvement, à travers les couleurs contradictoires, le mouvement quasi inerte du corps, la place imposante que prend l’aigle au sein de l’œuvre. C’est ainsi que l’on peut voir Égine comme la métaphore de la femme contemporaine dénonçant l’oppression masculine. Tandis qu’Anthinéa accepte sa condition et en joue, maîtrisant le jeu amoureux, Égine abandonne son corps qui n’est plus qu’une enveloppe qui apparait vidée, sans âme.

Anna Fernandes et Ken Trebaol, étudiants en Histoire de l’art – Université de Poitiers