Les œuvres
:
– André Brouillet, Ecce Homo (1880)
– Philippe Ramette, Mobylette crucifiée (1987)

Le symbole
: la croix

Les idées évoquées
: le sacrifice, la renaissance

 

Biographie

Phillipe Ramette (Auxerre, 1961)

Philippe Ramette suit dans sa jeunesse les cours de la Villa Arson, École Nationale Supérieure d’Art à Nice, dans le but de devenir peintre. À 26 ans, une fois son cursus achevé, il décide de déménager pour la capitale et d’y entreprendre une carrière d’artiste plasticien.
La Mobylette crucifiée, réalisée en 1987, marque un tournant : à partir de cette œuvre, le jeune artiste fixe l’identité de sa production à venir. Ses futures créations prennent pour point de départ la sculpture et l’assemblage, mises en scène sous forme de photographies. L’artiste pratique souvent la performance à des fins photographiques. Son travail s’oriente ainsi dans une direction ludique, ses mises en scène solennelles poussant le spectateur à questionner son rapport à la réalité. À travers la photographie et la sculpture, Ramette distord la perspective, le point de vue du spectateur ainsi que les expressions et les figures de la culture populaire pour créer des images toujours teintées d’ironie.

André Brouillet et Philippe Ramette : la représentation du sacrifice

Les deux œuvres ici associées ont en commun la symbolique chrétienne, avec la croix pour emblème, marque distinctive du sacrifice de Jésus dans le Nouveau Testament.
L’expression Ecce Homo se réfère à la Passion, qui précède la crucifixion : c’est par ces mots que Ponce Pilate désigne le Christ à la foule qui réclame son exécution.
Le symbole de la croix véhicule, comme le thème de Ecce Homo, les notions de souffrance et de sacrifice. Néanmoins, si le tableau d’André Brouillet les aborde sous l’angle de la religion chrétienne, en mettant en scène la figure du Sauveur, l’œuvre de Ramette illustre plutôt le sacrifice symbolique d’un homme en quête d’évolution.
Les deux œuvres sont complémentaires dans leur rapport à l’absence : André Brouillet s’abstient de représenter la croix, là où Ramette subtilise le corps christique pour le remplacer par une mobylette. Tandis que le premier illustre le thème de la Passion de manière classique, le second détourne le symbole de la croix pour en faire un objet moins conventionnel. La mobylette représente la jeunesse de Philippe Ramette : il s’agit de son premier moyen de locomotion, qui fut aussi son premier moyen d’évasion et de prise d’autonomie.
Associée à la croix, la mobylette devient ainsi l’objet et le support d’un sacrifice : celui de la jeunesse de l’artiste. En crucifiant sa mobylette, c’est en réalité le souvenir de ses jeunes années que Philippe Ramette cloue sur le bois, faisant ainsi le deuil d’une période majeure de sa vie. Le détournement opéré par l’artiste amène de surcroît à questionner le rapport à la spiritualité : un objet manufacturé à la place d’une figure religieuse n’interroge-t-il pas la perte des valeurs spirituelles au détriment d’aspirations plus matérialistes ?


Antoine Blanc et Thomas Jamin
, étudiants en Licence d’Histoire de l’art et Archéologie, Université de Poitiers