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Camille Claudel, Femme à sa toilette, 1895-1897
Collection : Musée Sainte-Croix
Anita Molinero, Sans titre, 1984
Collection : FRAC Poitou-Charentes
Diplômée de l’École supérieure des Beaux-Arts de Marseille, Anita Molinero s’initie à la sculpture dont elle souhaite contrarier les fondamentaux en privilégiant des matériaux
précaires et un geste irréversible, à la fois constructif et déconstructif.
Dans les années 1980, période où la culture urbaine et underground est au cœur des enjeux artistiques, la ville est son terrain de jeu. Elle travaille en effet la plupart du temps à partir de déchets, comme des sacs poubelles, choisis pour leur caractère ordinaire mais aussi parce qu’ils échappent aux trois paramètres nécessaires à la contemporanéité artistique médiatique : la beauté, la spectacularisation et le scandale. Ces éléments de récupération, Anita Molinero les assemble, les compresse, les sculpte ou encore les brûle, ce qui l’amène progressivement à qualifier ses oeuvres de « sculptures ».
À partir des années 1990, elle poursuit ses recherches sur le geste, s’intéressant davantage aux objets industriels tels que des pare-chocs de voiture, ainsi qu’aux effets causés par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.
À presque cent ans d’écart, les œuvres de Camille Claudel et d’Anita Molinero se font écho et d’une certaine manière illustrent différentes temporalités de la construction artistique. D’un côté figure une étude en plâtre exécutée à la fin du 19e siècle, restée à l’état d’ébauche, contrairement à d’autres études de ce type dont Claudel tira des œuvres finales, en bronze ou en marbre. De l’autre côté, Anita Molinero nous met face à une sculpture en plâtre qui, à la fin du 20e siècle, a toute sa légitimité en tant qu’œuvre finie et finale, la nature du matériau étant au cœur de sa création mais n’ayant pas à obéir aux impératifs de la sculpture du siècle précédent. Le plâtre, constituant principal des deux sculptures, a aussi la particularité de garder les empreintes de la construction de l’œuvre : burin, doigts, fissures, etc. Le processus de naissance de l’œuvre est sous nos yeux, que l’œuvre soit ou non à son état final.
L’autre dimension cruciale dans le lien entre ces deux œuvres est la notion de représentation. Femme à sa toilette, titre donné a posteriori et non par Camille Claudel, illustre cependant parfaitement le sujet et l’action de l’œuvre. En 1984, dans la temporalité plus large de l’histoire de l’art, la figuration n’est plus une obligation dans la création artistique mais bien un choix. Anita Molinero réalise une œuvre abstraite, où le plâtre est utilisé pour rendre présent le geste artistique démiurge, avec une valeur esthétique intrinsèque.
Enfin, si la dimension constructive de ces deux œuvres semble évidente, elle est indissociable d’un processus de déconstruction. Outre la déconstruction de la figuration qu’opère la sculpture de Molinero, les deux artistes déconstruisent le bloc de plâtre initial pour le remodeler et ainsi (ré)élaborer une œuvre d’art.
Marie Royo et Nina Malka, étudiantes en Licence 3 d’Histoire de l’art, Université de Poitiers