Sarah Lipska, Buste de Colette, 1954
Collection : Musée Sainte-Croix

Frédéric Fourcaud, Sans titre, 1994-1995
Collection : FRAC Poitou-Charentes

Biographie

Frédéric Fourcaud (Rambouillet, 1968)

Frédéric Fourcaud a suivi des études d’art à l’académie Beaubourg de Paris puis à l’école des Beaux-Arts d’Angoulême.

Son travail interroge la notion d’accumulation qui émerge dans les années soixante avec l’apparition des courants artistiques du pop art et de l’hyperréalisme. Qu’il réalise des natures mortes sur assiettes-palettes, des sculptures de plantes ou des effigies en terre cuite, ses œuvres, à la fois objets fonctionnels et sculptures symboliques, s’inscrivent dans un entre-deux allant de la peinture à la sculpture, du sacré au profane, de l’art à la société, du bien de consommation à l’œuvre d’auteur.

Frédéric Fourcaud cherche à faire réfléchir sur notre culture visuelle et sur la provenance de nos représentations, en mettant sur le même plan des personnages historiques et des personnages de bandes dessinées. Il dresse un inventaire des mythes de notre époque et des figures marquantes de notre société, banalisant les grands hommes et survalorisant les personnages insignifiants.

Sans titre, 1994-1995

12 bustes (Taboo, Pif, Captain America, Bonaparte, Bouddha, Mike Tyson, Mona Lisa, Ludwig van Beethoven, Joséphine Baker, Sigmund Freud, Alfred Hitchcock, James Dean)

La confrontation de ces deux œuvres permet de questionner l’évolution de la représentation des icônes mais aussi de s’interroger sur la place de celles-ci dans les musées et au sein de notre société.

Le Buste de Colette représente les traits de la célèbre femme de lettres du XXe siècle, Sidonie-Gabrielle Colette. Pour le sculpter, Sarah Lipska a utilisé un matériau inhabituel, un bloc de ciment rose, possiblement pour célébrer la personnalité hors du commun de l’écrivaine.

Exécuté d’après une photographie prise l’année de la mort de Colette, ce buste de femme aux dimensions imposantes montre un portrait d’apparat à la chevelure volumineuse. Lipska insiste sur la dimension cérébrale, intellectuelle de son modèle, ce qui est novateur pour un buste représentant une femme.

Les 12 bustes de Fourcaud, en revanche, sont de petites dimensions. Fourcaud les réalise de mémoire, les modelant dans l’argile de manière à ce que leurs traits principaux ressortent pour que le spectateur puisse les identifier sans réfléchir. L’image cliché devient un objet réel, entre figurine et portrait officiel. Le genre du portrait d’apparat est démocratisé, vulgarisé.

Ces têtes en terre cuite représentent Sigmund Freud, Alfred Hitchcock ou Mona Lisa, des personnalités qui incarnent aujourd’hui des icônes culturelles ou médiatiques, des célébrités dont l’image est connue de tous. Placées côte à côte sur un pied d’égalité, ces représentations deviennent des visages banalisés, dont l’individualité disparaît. Ces bustes forment un panthéon du “tout-venant” : la culture populaire voisine les personnalités savantes, se les approprie.

Si Colette incarne l’idée d’une personnalité artistique, intellectuelle – que pourrait justifier l’exécution d’un portrait par un artiste – il en est autrement d’un personnage fictif comme Pif le chien. Pourtant, des décennies après le Pop Art, sa présence dans un musée ne surprend plus vraiment. L’arrivée des magazines au début du XXe siècle, puis l’invention de la télévision et son développement, ont contribué à réduire la frontière entre l’art, le divertissement et la publicité. Désormais ces personnages incarnent tous notre culture visuelle.


Kerry Girard et Sophie Hernandez
, étudiantes en Licence 3 d’Histoire de l’art, Université de Poitiers