Jacob Kassay (Buffalo, 1984)

Artiste américain diplômé de l’Université de Buffalo en 2006, Jacob Kassay travaille à New York et à Los Angeles. Sa pratique pluridisciplinaire oscille entre peinture, photographie, sculpture et vidéo, dans des installations interactives conçues en réponse avec l’espace qui les entoure.
La collaboration avec d’autres artistes et musiciens fait aussi partie intégrante de son travail, aux fins de privilégier l’interaction des sens. Ses œuvres interagissent avec l’architecture environnante mais aussi avec le public. Le dialogue avec les spectateurs procède de l’utilisation de matériaux particuliers, dont l’effet esthétique attire et interroge le regard. Le symbole au service de l’anticonformisme.

La mise en regard de ces deux œuvres permet d’évoquer le champ de l’interprétation et d’entrevoir une évolution dans la conceptualisation de l’art.

Maurice Marinot réalise une huile sur toile, mettant en scène une étude d’atelier, avec des artistes et leur chevalet, devant un modèle nu vivant placé de dos au centre de la pièce.

Jacob Kassay fait preuve d’originalité dans son rapport aux matériaux. Bien qu’il utilise une toile, tendue sur châssis, ce support traditionnel disparaît totalement derrière l’aspect singulier des dépôts d’argent. Ainsi son oeuvre, d’un caractère plutôt abstrait, met en scène le spectateur qui, par son reflet, lui confère un aspect figuratif.

Les deux œuvres évoquent la multiplicité des regards. En effet, l’œuvre de Jacob Kassay se compose des regards des spectateurs qui, devant la toile, ont chacun leur propre vision du tableau. Les personnages représentés par Maurice Marinot sont en train de peindre un même modèle, mais leurs représentations seront toutes différentes : les élèves étant dispersés à différents endroits de la pièce face à leurs chevalets mais orientés perpendiculairement par rapport au modèle juché sur une estrade, ils auront chacun une perspective unique.

À cette multiplicité des regards s’ajoute une mise en abîme puisque Maurice Marinot se représente lui-même comme l’un des peintres dans l’atelier exécutant sa propre version du modèle. Cette mise en abîme, nous la retrouvons dans l’œuvre de Jacob Kassay avec l’effet de profondeur induit par le miroir opaque qui joue avec l’espace entre l’œuvre et le spectateur, le reflet du miroir étant lui-même une mise en abîme.

Tandis que l’œuvre de Maurice Marinot figure une scène archétypale de la création picturale, la représentation d’un atelier traditionnel et d’une peinture d’après modèle, celle de Jacob Kassay, pourtant relativement conventionnelle dans sa matérialité, relève d’un procédé industriel de métallisation, l’électrolyse. L’aspect abstrait de l’œuvre et sa continuelle évolution grâce à son interaction avec le spectateur et son environnement, s’inscrivent dans la démarche contemporaine de l’art conceptuel induisant délégation technique, retrait de l’artiste, lâcher prise et adoption des accidents hasardeux.