Biographie

Steven Cohen (Johannesburg, 1962 – )

Né en 1962 en Afrique du Sud, Steven Cohen vit aujourd’hui à Lille. Performeur, chorégraphe et plasticien, il a orchestré des interventions dans des lieux publics, dans des galeries d’art ou au théâtre. Son travail met en lumière les marges de la société. Les mises en scène de son corps se nourrissent de son vécu et de sa propre identité d’homme blanc, homosexuel, juif et sud-africain. Steven Cohen arbore des maquillages et des costumes excentriques mais soignés, aussi élégants que surprenants, l’artiste se travestissant – ou plutôt se métamorphosant – en s’inspirant de la culture queer. Ses irruptions sur scène ou ses interventions dans l’espace public suscitent des réactions diverses, entre surprise, étonnement et colère, incitant les spectateurs à réfléchir à l’indifférence ou l’intolérance qui gagnent du terrain dans nos sociétés.

Chandelier

• Steven Cohen
Chandelier
• 2002
• vidéo monobande, son
• 16’24 »
• EA
• Collection FRAC Poitou-Charentes
• Acquisition en 2015 à la galerie Stevenson, Cape Town, Afrique du Sud

 

C’est au travers des qualificatifs proférés à son propos en Afrique du Sud que Steven Cohen a choisi de se définir lui-même dans son travail artistique comme « blanc, juif et homosexuel ». Chandelier est la vidéo d’une performance de l’artiste a réalisée dans un bidonville de Johannesburg. Le lieu est en train d’être détruit par des employés municipaux, reconnaissables à leurs combinaisons rouges. Dans le chaos ambiant, Steven Cohen apparaît dans un costume singulier : étoile de David sur le front, talons vertigineux et chandelier en guise de vêtement, symbolisant la bourgeoisie blanche sud-africaine. Il se déplace, d’une démarche malaisée mais poétique, au milieu de la population en plein désarroi. Les oppositions qui en ressortent sont nombreuses : colons/colonisés, blancs/noirs, riches/pauvres, ombre/lumière, privé/public, forts/opprimés.

La féminité, affirmation de genre

La mise en perspective de Chandelier de Steven Cohen avec Anthinéa de Giuseppe Gambogi peut à première vue paraître surprenante. Si Anthinéa renvoie l’image même de la vision masculine de la femme parfaite (taille fine, courbes sensuelles, longue chevelure), elle n’en reste pas moins une œuvre en accord avec son temps, propre au XIXe siècle, totalement en contradiction avec Chandelier.
Néanmoins, la représentation de la féminité est la clé de compréhension qui lie ces deux œuvres. Anthinéa renvoie à l’image de la femme fatale, concept subjectif, essentiellement forgé par le regard masculin, toujours très présent dans notre culture, par les représentations cinématographiques et littéraires, ainsi que dans les jeux vidéo, où la femme tient le rôle de séductrice grâce à son physique avantageux.
Dans Chandelier, Steven Cohen se joue des poncifs de la féminité comme de la virilité : il campe un personnage singulier, qui exprime sa fragilité tout en affirmant son genre avec détermination. Si Anthinéa assume son identité féminine, usant de sa sensualité comme une force, Cohen revendique son identité plurielle et questionne sa part de féminité, qu’il exploite d’une manière provocatrice.
En l’espace de deux cents ans, la perception du féminin et du masculin a considérablement changé, ainsi qu’en témoigne la mise en perspective d’Anthinéa et de Chandelier : elle nous montre l’évolution de ce concept qu’est la féminité, concept que tout un chacun peut se réapproprier, ce qui aurait été jugé, dans les mœurs du XIXe siècle, largement inconvenable.

Maëva Chambonnaud et Salomé Puente, étudiantes en Histoire de l’art – Université de Poitiers