Les œuvres
:
– François Édouard Zier, Portrait de Madame Édouard Zier (1895)
– Fabienne Audéoud, Shoes Sales (2013)

Le symbole : la chaussure à talon (et, plus largement, les articles de mode féminine)

Les idées évoquées : la féminité ; les marqueurs d’appartenance à une classe sociale

 

Biographie

Fabienne Audéoud (Besançon, 1968)

Fabienne Audéoud est une artiste plasticienne et musicienne au parcours singulier. Formée à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon, elle poursuit ses études en Angleterre par une maîtrise aux Beaux-Arts de Londres. Après y avoir passé dix années, l’artiste travaille aujourd’hui à Paris.
Fabienne Audéoud élabore ses créations artistiques à travers plusieurs médiums comme la peinture, la performance et le numérique. Ses vidéos, tableaux, récitals ou performances sont réalisés dans des contextes variés, aussi bien dans des centres d’arts et des musées internationaux que sur des scènes indépendantes, où elle tient un regard critique sur l’art contemporain et la place de l’artiste au sein de sociétés au bord de l’implosion. Artiste engagée, elle questionne notre rapport au monde du marketing et à la société de consommation. Revendiquant la performativité dans la musique et le langage ainsi que dans l’art visuel, Fabienne Audéoud transgresse les limites de l’art. Elle contribue à la redéfinition du statut de l’artiste contemporain, créateur multiforme et polyvalent qui se doit d’exercer son art dans tous les champs d’expression.

La chaussure à talon, entre symbole de la féminité et critique du diktat social

Le parallèle entre ces deux œuvres s’opère sous l’angle de la chaussure à talon qui, en sa qualité de symbole, questionne plus largement la représentation de la féminité au fil des époques. Cet unique objet apparait dans l’œuvre de Fabienne Audéoud, alors qu’il est à peine visible à l’extrémité de la robe du modèle du tableau de François Édouard Zier. Dans ce portrait d’apparat, la chaussure permet, autant que l’élégante robe de velours, d’exposer la féminité d’une dame de la haute bourgeoisie.
Dans son pendant contemporain, la même idée de féminité est suscitée à l’esprit de celui qui regarde cet objet démultiplié. La chaussure à talon, marqueur d’identité sociale au 19e siècle, est sensée être aujourd’hui accessible à toutes. Jouant sur l’ambigüité, Fabienne Audéoud interroge le diktat de la mode par le biais d’une présumée affiche publicitaire vantant la bonne affaire avec ironie. Ce catalogage de chaussures de luxe à prix soldés donne l’illusion que toutes ces marques onéreuses deviennent accessibles, et que les femmes de toutes classes sociales peuvent de fait les porter. Dans l’œuvre de Zier, son épouse et modèle incarne typiquement la nouvelle société bourgeoise de la fin du 19e siècle qui connut l’essor des grands magasins, où le fait de se montrer révélait autant d’importance que celui d’acheter.
Ce signe fort de l’histoire de la mode, qui s’adressait à l’origine aussi bien aux femmes qu’aux hommes, s’est transformé en un attribut de la féminité par excellence après la Révolution, lorsque la population masculine s’en est émancipée.
Dans son œuvre, Fabienne Audéoud questionne la dérive sexiste de ce symbole : « On nous dit que la parure est un privilège féminin, mais c’est un piège qui renvoie les femmes à la frivolité, au beau sexe qui n’a pas le pouvoir, ou qui a l’illusion du girl power. »1


1 – Christine Bard, Ce que soulève la jupe. Identités, transgressions, résistances, Paris, Autrement, 2010.


Marie Barreau et Marion Rochard,
étudiantes en Licence d’Histoire de l’art et Archéologie, Université de Poitiers