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Pierre Ducos de la Haille, Nymphes, amour, biche et colombes dans un paysage, 1925
Collection : Musée Sainte-Croix
Claire Aumaître, Egine, 1986
Collection : FRAC Poitou-Charentes
Claire Denis Aumaître Haquet est une artiste française née en 1959, et diplômée des Beaux-Arts de Paris. Au cours de sa carrière artistique, elle va s’essayer à plusieurs matériaux, comme le tissu, la toile ou le papier, ainsi qu’à différentes techniques, comme la peinture à l’encre de Chine ou à la cire.
De nombreuses citations empruntées aux thèmes classiques, notamment mythologiques, étayent ses œuvres. Ses influences sont multiples, des écrits de l’historien spécialiste de la Grèce antique, Pierre Vidal-Naquet, aux interprétations de Sigmund Freud. Grâce à ses professeurs, elle découvre Le Dictionnaire des mythologies édité sous la direction d’Yves Bonnefoy, qui constitue une source inépuisable d’inspiration pour son travail.
Dans ses œuvres, Claire Aumaître sensibilise ses contemporains à des thèmes préoccupants liés à la libération de la sexualité féminine, ou en dénonçant les excès du capitalisme dévoyé.
Le personnage de la nymphe se trouve également dans Nymphes, amour, biche et colombes dans un paysage (1925) et Egine (1986). La première peinture présente un paysage dans lequel on observe des nymphes, personnages féminins récurrents de la mythologie gréco-romaine, liées à la nature, à la vie et à l’inspiration poétique, tandis que la seconde traite de l’histoire d’Egine, une nymphe enlevée et violée par Zeus. D’un point de vue technique et stylistique, l’écart entre les deux œuvres est grand. La première montre un idéal de beauté incarné par la nymphe tandis que la seconde traite d’un acte sexuel auquel elle est contrainte.
Les nymphes chez Ducos de la Haille, lequel deviendra célèbre pour sa peinture monumentale décorative, s’inscrivent dans une nature idéale, leur sensualité est très atténuée. L’esthétisme du décor, et l’esthétisation de la mythologie, priment avant tout.
Claire Aumaître représente le mythe d’Egine violée. Il est possible de distinguer, parmi les éclatements de couleur, Zeus transformé en aigle et le corps outragé de la nymphe. Alors que le viol dans la mythologie est traditionnellement traité de manière anecdotique, ici il est dénoncé par une femme artiste. Cela s’inscrit dans une véritable révolution des mœurs. En peignant cette œuvre, l’artiste veut exprimer combien la domination masculine était ancrée dans les fondements de la culture. Selon Claire Aumaître, Egine violée n’accepte pas cet acte, c’est « une personne résistante ». De plus, l’œuvre s’inscrit dans le contexte historique et les événements législatifs des années 1980. La revendication exprimée est celle de la liberté de disposer de son corps. L’artiste explique qu’elle réagit à un événement socio-politique contemporain de l’œuvre, à savoir la prise en charge par la Sécurité Sociale de l’avortement, légiféré en 1974 sous l’impulsion de Simone Veil mais dont le remboursement ne survient que dix ans plus tard.
Cette révolution des mœurs est donc une révolution du regard que l’on porte dès lors sur la sexualité, moins lisse et idéalisée, plus réaliste en somme, plus brutale aussi. L’œuvre d’art et le sujet mythologique se chargent d’un message politique porté par une artiste femme.
Aurélie Maudet et Louise Raimbault, étudiantes en Licence 3 d’Histoire de l’art, Université de Poitiers